Monographie :Texte de Stéphanie Katz

A l'origine, il y aurait la danse.
 S'il fallait imaginer le premier matin du monde, alors que rien encore n'aurait été ni élaboré, ni bâti, il y aurait pourtant déjà la danse. Il y aurait l'espace ouvert, la masse corporelle de la conscience de soi, et l'exigence de tracer une porosité entre le dedans de l'un et le dehors de l'autre. Faisant modèles, y aurait la souplesse de l'encolure du cheval qui s'ébroue, les va-et-vient circulaires de l'oiseau qui charme, le déplacement latéral du crabe... Il y aurait le tempo des corps, qui projettent leurs lignes dans l'espace du monde.

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Ce n'est qu'à l'issu d'un premier effet de charme déambulatoire, que l'oeuvre dénude ses tensions, révélant des antinomies tranchées, qu'il importe finalement de pointer comme autant d'articulations noueuses.
L'un des premiers paradoxes de l'oeuvre de J. Jouannais tient dans le commerce qu'elle entretient entre masse et légèreté. Qu'il s'agisse des pièces de papier, sortes de dentelles de peintures éclairant la densité du mur qui les appelle par aimantation contraire, des découpes en suspension qui suggèrent un volume spatial visitable en regard, ou des micro-organismes de céramiques qui oscillent entre excitation des textures et imaginaire de la maquette,
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C'est par ce retour du pli baroque qui articule façade et monade, frontalité et imaginaire, que la question du décoratif fait retour dans l'oeuvre de J. Jouannais. Car, l'autre évidence qui s'impose à l'approche de ce travail, est la prise en charge déterminée de l'enjeu décoratif. Lignes courbes, stratégies modulaires, arabesques en suspension, et couleurs fraiches posent un charme qui ne fait pas le détour de sa séduction.

Pourtant, la familiarité du XX ème siècle avec l'esthétique des Avants Gardes Construites a laissé une approche dégradée du principe décoratif, avec laquelle le travail de J. Jouannais n'hésite pas à entrer en confrontation. Le plus souvent apparenté à l'anecdote inutile qui rabat l'oeuvre à un statut de divertissement bourgeois, non universel et futile, le décoratif dépossèderait l'oeuvre de sa dimension conceptuelle, dynamique et subversive.
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Embrasser le territoire artistique de la jonction des XXème et XXIème siècles comme tente de le faire le travail de J. Jouannais, oblige nécessairement à dialoguer avec le vocabulaire des Avants-Gardes qui en ont bâti l'horizon.
Fonctionnant comme la contre-forme du parfum utopiste qui a enveloppé les deux guerres, la fin du XXème siècle voit émerger des postures politiques, économiques et artistiques qui résistent à la foi messianique dans les progrès de l'humanité, travaillant plutôt à dresser la muraille du désenchantement.
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D'évidence, les rapprochements entre le décoratif selon Matisse, le baroque trans-historique de Deleuze, et le minimalisme, sont audacieux. C'est justement cette audace qu'il me semble important de souligner, afin de restituer l'ampleur du geste de J. Jouannais, en le replaçant dans le champ des interrogations contemporaines. En effet, sous des dehors de légèreté et de modestie, il importe de prendre acte de cette greffe courageuse et inédite qu'elle opère. En reprenant à son compte la critique minimaliste de l'objet-chef d'oeuvre, qui affirme l'identité de l'art dans ces procédures, J. Jouannais rejoue le retournement de l'oeuvre sur son pur dehors qui se dégage de tout idéalisme. A l'instar des grandes figures de l'art minimal, elle se prémunit de tout effet de fascination, vidant l'oeuvre de sa part de mystère, lui préférant l'ombre d'un éblouissement dans le tout visible.

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