Le premier contact avec les propositions de Juliette Jouannais pose sans détour les tensions caractéristiques des pratiques hybrides contemporaines.
Peinture ou sculpture, maquette ou bâti, utopie ou pragmatisme, frontalité ou spatialité, lévitation ou gravité, de toutes évidences il n’est plus question de choisir.
Au contraire, tout se passe comme s’il était demandé au corps du visiteur d’entrer en complicité avec le travail par une sorte de chorégraphie imaginaire d’un genre inédit.
En première instance, il faudrait parvenir, sur un mode onirique, à se glisser et se couler dans les méandres d’un espace tout à la fois enroulé et ouvert, offert à un corps rêvé, momentanément devenu fluide et agile. L’espace épanoui en volume n’est plus analysé mais acté.
Dans un second temps, la dynamique colorée induit une approche pétillante et gourmande qui évoque des moments de bonheur en fragments, des instants d’épiphanie du temps.
Car il y a quelque chose d’éminemment têtu, ou aigu, dans ce travail, qui ne semble jamais renoncer à alléger les masses, à colorer les ombres, ou éclairer les angles morts.
Puis enfin, s’impose la puissante contraction entre la volupté d’une ligne décorative orientale, et la mesure structurante qui la contraint en architecture onirique.
Quelque chose est à l’œuvre dans cette proposition hétérogène, qui nous regarde au sens où cela nous concerne.
A n’en pas douter, tendue entre libération et contrôle, Juliette Jouannais rejoue sous nos yeux la compression des corps dans les étaux du temps.
Stéphanie Katz, essayiste (image et sémiologie)